
👤 Joseph-Marie Paquet
Né à Québec (paroisse Saint-Roch) le 21 novembre 1804, Joseph-Marie Paquet connaît une enfance difficile : sa mère est souvent malade et son père, décrit par Mgr Octave Plessis comme un « homme brutal, jaloux et ivrogne » , a un comportement qui l’éloigne de ses responsabilités paternelles. C’est auprès de son oncle maternel, l’abbé Antoine Gagnon, qu’il trouve réconfort. Ce dernier l’envoie au Séminaire de Québec, où Paquet termine ses études classiques en 1825, puis sa théologie en 1828, année de son ordination.
Dès 1829, il est envoyé en mission en Acadie, au Nouveau-Brunswick, plus précisément à Shemogue, où son accueil est mitigé. Il est ensuite nommé à Richibouctou-Village, puis en 1840 à Saint-Louis (comté de Kent). Mais c’est à Caraquet, dès 1848, qu’il laissera sa plus grande empreinte. Il lance un projet ambitieux : la construction d’une vaste église en pierre. Les travaux débutent en 1857 et l’église Saint-Pierre-aux- Liens est consacrée en août 1864, devant une foule estimée à 3 000 personnes. Son legs ne s’arrête pas là. Il convainc les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph de s’installer à Tracadie, paroisse voisine, afin d’y établir un lazaret. Leur arrivée en septembre 1868 marque un tournant dans les soins aux malades, avec la création d’un hôpital quelques années plus tard. 2
Affaibli en 1868, il est admis à l’Hôtel-Dieu de Montréal, tenu par les mêmes religieuses, où il décède le 27 juillet 1869 à l’âge de 64 ans. Sa dépouille est transportée à Québec à bord du vapeur Le Québec, pour des funérailles dans sa paroisse natale, puis à Caraquet à bord du navire Le Secret, conformément à ses volontés. Le 13 août, un service funèbre grandiose est célébré en présence de l’évêque de Chatham, Mgr James Rogers, et de nombreux dignitaires. Sa dépouille est placée sous l’autel de l’église qu’il avait fait bâtir, côté épître.
1 Régis Brun, Joseph-Marie Paquet, Dictionnaire biographie du Canada, vol. 9, p. 615.
2 Philippe Basque, Le Grand Vicaire Paquet, SHND, vol. XLVI, no. 2, octobre 2017, p. 67-96.
En son hommage, le village de Paquetville est fondé en 1873 à 20 km au sud-ouest de Caraquet. Il est aussi le berceau de l’artiste Edith Butler. Son testament, généreux, prévoit notamment la construction d’un couvent de jeunes filles dirigé par les religieuses de la Congrégation Notre-Dame de Montréal, ouvert en septembre 1874.
👤 Mgr Joseph-Théophile Allard
Natif de Carleton (Gaspésie) en 1842, Joseph-Théophile Allard est le fils de Pierre Allard et de Marie-Gilles Allain. À 12 ans, il entre au Séminaire de Nicolet, puis poursuit ses études théologiques au Grand Séminaire de Québec à partir de 1863. En 1864, il est envoyé à Memramcook, où le père Camille LeFebvre ouvre le Collège Saint-Joseph. Ordonné prêtre en 1867, il devient le vicaire du curé Paquet à Caraquet.
Après la mort de Paquet, l’abbé Allard est nommé curé à Pokemouche-en-Haut, où il reste sept ans. Il revient à Caraquet en 1879, mais un différend avec les religieuses Notre-Dame l’amène à Paquetville, puis à Saint-François-de-Madawaska. Il revient à Caraquet une troisième fois en 1885 et lance un projet ambitieux : la construction d’un collège classique.
Le Collège Sacré-Cœur ouvre ses portes en 1899 avec 17 élèves, dont son neveu Auguste Allard, futur fondateur d’Allardville. Dirigé par la congrégation Jésus-Marie (les Eudistes), le collège est agrandi en 1903 puis en 1907. En 1906, les Eudistes sollicitent le Vatican pour que le curé Allard soit nommé protonotaire apostolique. C’est chose faite la même année lors d’une imposante cérémonie dans l’église paroissiale où il devient Monseigneur.
Opéré à l’Hôtel-Dieu de Québec, il meurt le 30 janvier 1912. Ses funérailles ont lieu le 7 février, et sa dépouille est déposée sous l’autel de l’église de Caraquet. Comme son prédécesseur, il demande dans son testament l’ablation de son cœur, placé dans un reposoir à la chapelle du collège. À noter : l’abbé Paquet avait exprimé le même souhait, son cœur étant conservé dans un coffret de plomb à la chapelle de l’Hôtel-Dieu de Tracadie. 3
⚰️ Translation des dépouilles
Le 22 août 1944, les dépouilles des deux prêtres sont exhumées du sanctuaire de l’église pour être inhumées dans le cimetière local. Une messe pontificale est célébrée par Mgr Camille-André LeBlanc, évêque de Bathurst, devant une assemblée composée de membres du clergé, dignitaires et fidèles. Les cercueils sont drapés et transportés sous le calvaire, où ils reposent désormais dans la crypte.
« Après la messe, Mgr l’Évêque s’approcha du micro, et là, ému par cette foule et inspiré sans doute à la vue des restes de ces deux grands apôtres acadiens, il nous fit un touchant résumé de ce qu’avaient accompli ces deux prêtres. »
Sur la photo commémorative, on aperçoit à gauche le petit cercueil de Mgr Paquet, doté d’une vitre de regard à l’endroit du visage, et à droite celui de Mgr Allard. 4
🕊️ Héritage
Venus du Québec à une époque où l’Acadie vivait des temps difficiles, Mgr Paquet et Mgr Allard ont façonné l’identité et le développement de Caraquet. Leur mémoire continue d’habiter les lieux et les cœurs.
3 Clarence LeBreton. Le collège Sacré-Cœur de Caraquet, Éditions du Fleuve, Québec, 1991.
4 L’Évangéline, le 31 août 1944, p. 1.